Un coffre-fort entrouvert, débordant d’objets improbables. À l’intérieur, pas de billets, pas de lingots : seulement des bananes et des rouleaux de ruban adhésif métallisé. Trop nombreux pour être contenus. La dette est trop lourde à combler.
Cette pièce abandonne l’illusion du faux pour revendiquer un classicisme radical : tout est coulé en bronze, à la manière des sculptures traditionnelles. Matériau noble, lourd, pérenne, qui fige pour l’éternité des objets dérisoires, périssables, vulgaires. La coulée elle-même ajoute une ironie supplémentaire : en français, « couler un bronze » signifie aussi déféquer. Ici, la dette nous met littéralement dans la merde.
Le titre annonce le programme : République bananière. Derrière l’apparente légèreté, une chaîne de références s’active. Les bananes convoquent Comedian de Maurizio Cattelan (6,2 millions de dollars l’unité, ici multipliée par cent), la banane pop de Warhol, mais aussi les tropismes coloniaux toujours vivants.
Le coffre-fort, lui, renvoie aux richesses cachées, aux scandales politiques, à l’argent fantôme des affaires étouffées — jusqu’au spectre du coffre disparu de l’affaire Benalla.
Cette sculpture est une mise en abyme : elle cite des œuvres qui étaient déjà des citations, détourne des icônes qui se voulaient ironiques. Elle questionne la valeur, la circulation des signes et des biens, le marché de l’art comme machine spéculative. Elle pointe aussi le paradoxe de l’artiste contemporain : producteur de simulacres, réduit au rôle de fournisseur de luxe pour un système néolibéral qui le prostitue autant qu’il l’exhibe.
République bananière se présente comme une farce — mais une farce lourde, métallique, saturée de sous-entendus. Trop de bananes, trop de rouleaux, pas assez d’air dans le coffre. Une accumulation grotesque qui ne fait que couler l’effet néant.

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