Certaines utopies se rêvent dans la lumière — d'autres s’érigent dans un champignon hallucinogène, immense et suspendu, comme un mauvais trip devenu station spatiale. NUCLEAR STAR n’est pas un simple projet d’architecture orbitale ; c’est une hallucination collective à peine dissimulée derrière un vernis techno-futuriste, une divagation cosmique sous psilocybine dorée.
Là où le champignon nucléaire incarnait jadis la fin, celui-ci devient habitat. Et comme tout bon psychotrope, il permet surtout d’oublier ce qui se passe au sol.
Car c’est bien de cela qu’il s’agit : une bulle, un silo, un délire d’immortalité spatiale pour milliardaires claustrophiles — ces nouveaux ermites pressés d’échapper à une planète qu’ils ont rendue invivable. Enfermé dans leur dôme en orbite, entre biodômes climatisés et corridors de propagande vintage, ils s’offrent un mirage d’éternité au-dessus du chaos, perchés dans une capsule stérile, loin du biotope terrestre qu’ils feignent encore de pleurer.
Le projet répond pourtant à une commande sérieuse : concevoir un mémorial à la dernière bombe atomique. À cela, NUCLEAR STAR répond avec une grimace élégante, un éclat de rire froid : qui croit encore à une "dernière" bombe ? L’humanité n’a même plus besoin d’armes nucléaires pour s’autodétruire — un bon vieux cocktail CO₂ + déni suffit amplement.
Faire un monument à la dernière bombe, c’est comme ériger un cénotaphe pour un suicide différé. Pathétique et grandiose.
Et le monument donc ? Il flotte en orbite. Il rayonne. Il s’ouvre comme une fleur carnivore, abritant des salons néo-totalitaires, des serres miniatures, des couloirs où flottent des astronautes en uniforme safran, bras levés dans des saluts qui ne savent plus à quoi ils obéissent. On y respire l’oxygène filtré du progrès, parfumé d’un soupçon de nostalgie dictatoriale.
C’est à la fois Disneyland pour survivalistes et mausolée pour un futur qui n’a jamais eu lieu.
Tout ici est caricature, mais sans excès : la propagande est polie, l’ironie, feutrée. Les formes sont nettes, les matériaux brillants, les compositions soignées comme un mensonge bien calibré. Une vision du futur qui ressemble à une pub de la NASA version 1968, remixée par un architecte fasciné par la chute de l’empire.
En somme, NUCLEAR STAR ne se contente pas de critiquer : il performe. Il devient lui-même le produit terminal d’une logique de puissance qui a oublié sa propre fin. Il fait du grotesque une esthétique, du désastre une expérience de luxe.
Et pendant ce temps, sur Terre, le sol s’effrite, l’air se réchauffe, la mer monte.
Mais au moins, là-haut, on pourra toujours faire des garden-parties dans le champignon.
NUCLEAR STAR a été présenté au concours THE LAST NUCLEAR BOMB MEMORIAL #5
Il n'a absolument pas retenu l'attention d'un Jury soumis et consensuel.

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